mardi 15 février 2011

De l'utilité de la gestion des temps

A force de parler des mêmes problèmes, on se dit qu'il y a peut-être des choses à écrire.
Il en est ainsi de la gestion des temps dans les entreprises de services ou de production.
J'en discutais récemment avec un client, gérant d'une entreprise dont la rentabilité ferait frémir nombre de ses concurrents.
Plus récemment, le même sujet était abordé avec une jeune professionnelle prometteuse ;-) qui s'attaque à ce serpent de mer de notre profession.
La première question que je pose est : quelle est la véritable finalité de la gestion des temps ?
Comme l'indique les termes de "contrôle de gestion", il est suggéré qu'elle sert avant tout à vérifier l'adéquation du fonctionnement de la structure aux conditions initialement prévues. C'est rarement le cas.
Particularité de notre métier et de quelques autres activités libérales de service aux entreprises, elle sert aussi parfois à réajuster les honoraires facturés aux clients.
Assez souvent, elle ne sert à rien, ce qui finalement est le plus grand gaspillage qui soit, quand on se rend compte du temps qu'elle nécessite.
Dans certains cabinets, à haut degré, de responsabilisation et d'autonomie des équipes, elle n'existe simplement pas sans impacter la performance intrinsèque.
Dans notre approche de la qualité, la gestion des temps doit servir l'ensemble des étapes de la roue de Deming, à savoir, la planification, la réalisation, le contrôle et l'amélioration.
Dans la phase de planification, une vraie question se pose sur son utilité dans  la détermination des prix de revient et par extension des prix de ventes.
Une difficulté de mon client précité résidait dans cette problématique, au sens où le concepteur de logiciel pressenti lui vendait la méthode des déboursés prévisionnels (matière et main d'oeuvre) comme seul moyen de déterminer les prix de vente. S'il pratiquait comme cela, il était fort à parier que sa rentabilité ne serait pas ce qu'elle est.
En effet, les prix de ventes qu'il pratique sont déterminés par la rencontre de la valeur que le client perçoit dans le produit qu'il achète et de la capacité de mon client à affirmer cette valeur sans jamais la renier et à vérifier en permanence qu'elle est mise en oeuvre dans la réalisation.
La gestion des temps lui sert alors essentiellement à deux choses :
  1. Optimiser ses processus de production en augmentant la valeur ajoutée produite par l'amélioration de l’enchaînement des tâches, quitte à supprimer les tâches sans valeur ajoutée (parlerait-on du Lean Management ?) et l'affectation d'un coefficient de majoration aux ressources goulot, déconnecté de leur coût réel pour tenir compte de leur importance dans cette optimisation (s'agit-il de la gestion par la théorie des contraintes ?).
  2. Déterminer les secteurs d'activité et produits à plus forte valeur ajoutée afin d'orienter ses efforts commerciaux et sa stratégie (analyse stratégique des produits et services).
Pourquoi en serait-il autrement pour les cabinets d'expertises comptables ?
La focalisation sur la gestion des temps met le client dans une situation paradoxale mais courante, dans laquelle le prix payé est proportionnel à l'inefficacité de celui qui réalise la tâche.
Quand ce n'est pas le cas, elle suggère au cabinet que pour optimiser la performance, il faut réduire le coût horaire, ce qui tend assez souvent à réduire la valeur fournie et perçue et fait rentrer le cabinet dans la spirale infernale de la réduction des prix et de la valeur.
Assez fréquemment, on constate aussi que la gestion est utilisée à charge du client (facturation) et du salarié (réprimande) mais rarement pour récompenser l'un et l'autre. Et pourtant, il n'est pas nouveau de constater que la récompense suscite la performance et la fidélité et sert donc la rentabilité à long terme du cabinet à défaut de servir sa pseudo rentabilité immédiate.
Sans développer davantage cette plaidoirie, je confirme que la gestion des temps nous est utile, mais pour les vrais raisons que je suggère dans mes propos.
Pour finir sur le coût de cette gestion des temps (temps de saisie, d'analyse, au regard des services rendus en retour), on ne peut que constater que les prestataires de services informatiques parmi les plus grands, sont toujours passés à côté du problème, dans le développement des modules prétendument adéquat.
En effet, l'intégration de cette fameuse roue de Deming, traitant de la tarification, de la planification, de la gestion des plans de charges, du suivi des obligations, de la gestion des récompenses des salariés et clients, du contrôle de la performance et surtout de l'amélioration des processus, n'a jamais (à ma connaissance) été abordée dans une approche globale et pertinente permettant par exemple de saisir une seule fois, lors de la préparation du contrat de mission, ce qui deviendra, engagement contractuel, obligation, planning, plan de charge, temps prévu, obligation réalisée,  temps passé, contribution du salarié à la valeur ajoutée perçue, facturation des missions convenues.
Bref, une intégration par une approche processus efficiente et pertinente de la gestion des temps.
Jean Luc BESSONNET - AGDE EXPERT COMPTABLE