mardi 13 avril 2010

La force des liens faibles


Dans son ouvrage, la sociologie des réseaux sociaux, Pierre Mercklé (citant Granovetter), nous explique l'importance des liens faibles.
La force d'un lien est caractérisé selon lui par "une combinaison de la quantité de temps, de l'intensité émotionnelle, de l'intimité (confiance mutuelle) et des services réciproques qui caractérisent ce lien".
Les réseaux sociaux virtuels (Facebook par exemple) sont souvent mis en exergue par la faiblesse des liens relationnels qui unissent les membres d'un groupe et on en conclurait vite qu'ils sont facteurs de dégénérescence des fondements de nos sociétés en affaiblissant les liens familiaux ancestraux.
Les liens virtuels ne sont pas toujours aussi faibles que cela, ils peuvent au contraire renforcer les liens traditionnels distendus par un mode de vie qui dissocie les tribus traditionnelles. La "clique" se retrouve sur Facebook quand la vie éloigne ses membres. Ma chère Maman, tête de la clique familiale pourrait facilement en témoigner.
Il convient de distinguer la conséquence de la cause.
Pour autant, lorsqu'ils peuvent être qualifiés de "faibles" au sens indiqué plus haut, ils ont des vertus insoupçonnées comme nous le rappelle l'auteur.
Des liens faibles sont des transmetteurs entre groupes beaucoup plus que les liens forts. En effet, les liens forts ont tendance à cloisonner l'information dans le groupe et permettent moins une ouverture sur les autres et une conjonction entre plusieurs groupes. Je suis à la fois sur Twitter, Facebook, Viadeo, MySpace et je peux être fan de plus de groupes que ne le permettraient mes liens traditionnels tout en inter-connectant mes réseaux quand je relaie de l'information. 
De même, ces liens faibles, par la légèreté des engagements, permettent d'"essayer" des contacts pouvant se révéler très profitables notamment dans le cadre du développement culturel et intellectuel (pour ne pas parler de Meetic). Ainsi, je ne connaitrais pas mes "amis canadiens" et les choses intéressantes qu'ils ont à nous dire si je ne fréquentais pas les réseaux sociaux.
C'est la perméabilité de ces liens qui est relevée comme "force". Ils laissent passer l'information qui n'a plus de barrière et devient accessible pour un plus grand nombre en se propageant très largement et rapidement.
Mais on peut relever deux problèmes liés à cette caractéristique :
  1. Les gens ont une tendance à oublier cette perméabilité et n'hésitent pas à révéler aux réseaux des choses qui étaient autrefois réservées à leurs proches amis. Cela laisse des traces alors que la mémoire humaine est beaucoup plus volatile, perfectible et sujette à caution que la mémoire numérique. On se réfèrera éventuellement à l'article publié sur MSN, "Les 10 pièges de Facebook à éviter".
  2. La perméabilité est relative car elle est sélective et unidirectionnelle. Je peux choisir d'être ami avec un quasi inconnu aux intentions masquées car cela n'a pas d'incidence si je suis jugé, si je romps ce lien faible. Mais je maintiens "a priori" une barrière entre ma vie privée et ma vie professionnelle. J'ai du mal à être fan de l'entreprise dont je suis employé car j'entretiens une certaine suspicion sur ses intentions affichées et j'ai sans doute peur qu'elle m'espionne alors même que je fais le clown en public. Les réseaux sociaux "personnels" sont donc comme ces nouveaux textiles qui laissent sortir la transpiration mais ne laisse pas rentrer la pluie.
La compréhension de ces réseaux est un enjeu pour les utilisateurs privés et professionnels. Ils sont très complexes et bien que faisant l'objet depuis longtemps d'études sociologiques spécifiques, s'en détachent partiellement par la dimension technologique de leur support.
Parce qu'ils sont aujourd'hui incontournables, il est préférable de les étudier plutôt que de les critiquer.

Jean Luc BESSONNET - Agde Expert Comptable
    

2 commentaires:

  1. Le strength of weaker ties, un ouvrage très intéressant. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une perte de sens de l'amitié ou des relations d'affaires. Je serais curieux de connaître l'évolution du nombre de "liens forts » dans le temps. D'après moi ils ont peu évolué, c'est plutôt le nombre de « liens faibles » qui augmentent. Le fait d'ajouter sur linkedin quelqu'un de random qu'on rencontre dans une conférence permet de se souvenir de ce contact un an plus tard par exemple. Ce contact qui aurait été rapidement oublié avant la venue des réseaux sociaux. Je suis 100 % d'accord avec « Parce qu'ils sont aujourd'hui incontournables, il est préférable de les étudier plutôt que de les critiquer »

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  2. Bonjour,

    je pense que les réseaux sociaux et tous les liens "virtuels" ne sont que des liens complémentaires. On a dit également du mal du lien téléphonique lorsque ce dernier est entré en masse dans les foyers.

    Comme tout moyen, certaines personnes en usent, d'autres en abusent et d'autres encore les évitent comme la peste.

    Je pense que les liens qui unissent dans cet espace virtuel qu'est internet sont identiques à ceux qui peuvent lier dans l'espace réel.

    Par contre, la nature même du support de cet espace virtuel permet une gestion différente de ces liens, qui restent selon moi identiques. Ici intervient la notion de lien faible ou de lien fort, du moins formalisé ainsi.

    La qualité (du point de vue qualitatif et non pas l'intensité) du lien est plus flagrante sur internet et se gère plus rapidement (à moyen rapide possibilité de gestion plus rapide).

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